Bonjour à tous et bienvenue pour une nouvelle interview d’un de mes collègues chez Sarbacane. Cette semaine j’interroge pour vous Fayçal, notre responsable délivrabilité, expert dans le domaine. Il nous livre quelques secrets de la délivrabilité et ses conseils d’orfèvre pour comprendre comment et pourquoi vos emails peuvent arriver en SPAM.
Salut Fayçal ! Une présentation s’impose : qu’est-ce qu’un Responsable Délivrabilité et quel est ton rôle chez Sarbacane ?
Salut Romain ! Le responsable délivrabilité est la personne en charge des problématiques liées à la délivrabilité. On va faire appel à moi pour traiter les cas de : blacklistage d’ip, blacklistage de domaines, s’assurer que la configuration des serveurs d’envoi respecte les prérequis des FAIs/Webmail, veiller à la bonne réputation de notre infrastructure d’envoi, etc.
Je joue également un rôle de pédagogue en accompagnant les clients rencontrant des problèmes de performance emailing.
La détermination de problème de délivrabilité nécessite un esprit d’analytique. En effet, à partir de certains indices (retour smtp, analyse des stats, etc), on émet des hypothèses sur l’origine du problème qu’on infirme ou affirme à l’aide de tests basés sur ces suppositions.
Enfin il est indispensable d’effectuer une veille régulière et de maintenir un dialogue avec les organismes comme les FAIs/Webmails ou les associations de lutte contre le SPAM (SignalSpam, MAAWG, etc)
Pour commencer, peux-tu expliquer en quelques mots le principe de la délivrabilité et comment en calculer le taux ?
La délivrabilité est un concept qui définit la capacité d’un email à atteindre la boite de réception du destinataire. Il y a souvent une confusion entre la notion d’aboutissement et de délivrabilité. L’aboutissement, généralement exprimé en pourcentage, correspond au taux d’e-mails acceptés par le serveur de messagerie des destinataires. Un taux de délivrabilité quant à lui correspond au nombre d’emails arrivés en boite de réception par rapport au nombre d’emails envoyés au total. Cette nuance est cruciale car un taux d’aboutissement est aisément calculable via les retours SMTP qu’on appelle les bounces. Ce sont des messagesqui indiquent à l’expéditeur si le message a été accepté ou rejeté.
Une fois que le mail est accepté par le serveur de messagerie, aucun moyen technique fiable n’existe à l’heure actuelle pour déterminer avec précision son taux d’arrivé en boite de réception.
Cependant certains acteurs de l’emailing proposent différentes techniques pour avoir une estimation de son taux de délivrabilité. L’utilisation de seed list, c’est-à-dire de liste d’adresses marqueurs chez les plus grands FAI (Gmail, Hotmail, Yahoo, etc) : on va envoyer un exemplaire de la campagne et visualiser si le mail arrive en boite de réception ou non. A partir de ces résultats ils conjecturent sur le pourcentage d’arrivée en inbox et en spam de l’ensemble de la campagne. Seulement cela ne prend pas en compte la notion d’engagement, le comportement des abonnés ayant une grande incidence sur la réputation du domaine d’envoi et des ips. Cette technique est d’autant plus limitée sur des envois composés d’adresses n’appartenant pas à des grands FAIs et donc ne disposant pas de marqueurs pour estimer cette délivrabilité (généralement sur de l’envoi B2B).
Le seul moyen fiable d’estimer son taux de délivrabilité et donc de diagnostiquer un problème de délivrabilité passe par l’analyse statistique de votre campagne. Ex : En général je sais que mes abonnés ouvrent à XX%, j’ai une chute de mon taux d’ouverture global. Dans ce cas je porte mon analyse des ouvreurs par FAIs et j’identifie que ma baisse d’ouverture est spécifique sur un FAI en particulier. Conclusion : j’ai subis un filtrage sur ce FAI, je dois donc mener une réflexion sur l’origine de ce filtrage et appliquer.
Quelles sont les règles de base à appliquer pour améliorer sa délivrabilité ?
Il y a toute une multitude de règles à respecter pour optimiser sa délivrabilité. Il y a des règles plutôt techniques comme les normes d’authentification à mettre en place (SPF, DKIM), la mise en place de Feedback Loop*, la configuration des serveurs de messagerie. Il y a aussi des règles de rédaction du message et de rédaction de l’objet, mais si vous ne devez avoir qu’une règle en tête, c’est : le respect de vos abonnés.
Cela ne consiste pas uniquement à désabonner ceux qui le demandent : ça c’est une obligation légale. Ce respect commence dès la collecte, dont l’objectif doit être la transparence sur la finalité de traitement de l’adresse. Le but ne doit pas être de faire du volume au détriment de la qualité et du respect de vos futurs prospects, lecteurs, clients. En clair cela signifie ne pas abonner quelqu’un à des programmes marketing sans son accord. Mais aussi ne pas travailler avec des partenaires qui vous promettent de grossir votre fichier client de façon massive, et ce, à des tarifs louches. C’est également la façon dont vous allez vous présenter et souhaiter la bienvenue à votre nouvel abonné (envoi de welcome pack).
Il ne faut pas perdre de vue que l’emailing est un canal de communication bidirectionnel, cela veut dire qu’il faut laisser à l’abonné l’opportunité de pouvoir répondre à vos envois et de consulter régulièrement ses réponses. A mon sens ignorer ses destinataires est une des plus grosses erreurs qu’on puisse commettre.
*Feedback Loop abrégé FBL ou boucle de rétroaction : est un processus de traitement des plaintes mis à disposition par les FAIs/Webmails pour les routeurs. Ce principe permet à l’expéditeur de récupérer la plainte émise par un abonné et de le désabonner en conséquence.
Au contraire, que ne faut-il surtout pas faire au risque de passer en spam ?
Je pense avoir donné un début d’explication dans la précédente question. Je vais clarifier les choses en listant certaines actions pouvant être extrêmement nocives pour votre délivrabilité :
Collecte
- Achat de fichier : très souvent, vous n’avez pas de contrôle sur la façon dont la collecte a été effectué, la pression actuelle exercée sur ces adresses, leurs récences, etc.
- Cosponsoring : c’est une technique utilisée majoritairement par les spécialistes de l’emailing de prospection ou d’acquisition. Cela permet de constituer rapidement des bases de prospects pour un coût relativement faible. Le principe est de mutualiser la collecte à plusieurs. Chaque abonné collecté se retrouve à alimenter le fichier client de X annonceurs déterminés avant le lancement de l’opération marketing de collecte (par exemple un jeu concours).
Pourquoi déconseiller toutes ces techniques ? En dépit de la perte de contrôle évidente sur la provenance de l’adresse, raisonnons maintenant comme un abonné. L’abonné va participer par exemple à un jeu concours pour gagner un voyage au bout du monde. Il s’inscrit, se retrouve dans plusieurs fichiers clients malgrès lui et commence à recevoir des pubs et newsletters d’annonceurs dont il n’a jamais entendu parler.. Comment croyez-vous qu’il réagira ?
Rédaction de la campagne
- Ne pas respecter la promesse de l’objet : cela peut entrainer un mécontentement et des plaintes ou désabonnements.
- Na pas brander vos envois : le branding est une notion marketing associée à l’image de marque. Cela signifie que l’abonné doit pouvoir identifier l’expéditeur avant même d’ouvrir le mail. En tant qu’abonné j’aurai plus de prédisposition à ouvrir un email si je connais mon expéditeur et que je sais pourquoi je reçois un email de sa part..
- Eviter le full image : il faut savoir qu’une grande partie des FAIs/Webmails bloquent par défaut les images. Si votre campagne ne présente que des images et que celle-ci sont bloquées vous vous retrouvez à expédier un message vide…
Envoi de la campagne
Travailler avec un routeur professionnel pour gérer l’envoi de vos campagnes. Cela vous permet de vous affranchir des contraintes techniques comme les normes d’authentification, la configuration des serveurs d’envoi, la réception et gestion des bounces, la mise en place des boucles de rétroactions, la consolidation de statistiques suite à votre envoi, etc.
100% de délivrabilité pour une campagne email marketing de masse, c’est possible ?
C’est une très bonne question. Avant d’y répondre je pense qu’il est important de spécifier ce qu’on appelle une campagne email marketing de masse.
Le principe du marketing de masse ou le one-to-many marketing est le principe d’envoyer un message standardisé à un grand nombre de destinataires de manière à réaliser des économies d’échelles.
Etant donné que cela n’est techniquement pas mesurable, cela reste mon avis personnel et donc subjectif.
Je dirais que d’un point de vue théorique c’est tout à fait possible, en supposant que les pratiques marketing du client sont absolument parfaites et qu’il travaille avec un routeur dont la réputation de son infrastructure est excellente.
Mais la réalité des choses est bien différente. Vont s’entremêler les erreurs humaines, les analyses en faux positifs par les antispam, une déclaration involontaire de la campagne en spam, un problème technique rencontré chez le routeur ou le FAI/Webmail (et oui ça aussi ça peut arriver, parfois même chez Sarbacane) et surtout les objectifs financiers ayant permis le développement de certaines techniques décrites plus haut. Cet ensemble complexe et la nature même du marketing de masse me font penser que de nos jours c’est très compliqué d’avoir une délivrabilité à 100%.
Je pense que pour s’en approcher, il faut favoriser une approche marketing one-to-one. Les performances observées sur le transactionnel ou sur des campagnes ultra ciblées sur des micros segments à appétence forte sur le contenu de la campagne en sont un parfait exemple.
Est-il possible de savoir combien de nos emails passent en spam ?
Avec exactitude ce n’est techniquement pas possible. Par contre on peut conjecturer en multipliant les tests avant envoi et faire une estimation à l’analyse des statistiques de la campagne.
Pourquoi des emails peuvent finir en spam sur certaines messageries, mais pas sur d’autres ?
Les raisons sont multiples. Il faut avant tout avoir conscience que les FAIs, webmails ou serveurs de messagerie appliquent une politique de filtrage personnelle. C’est-à-dire que les règles de filtrage chez Orange ne sont pas les mêmes que chez Hotmail qui ne sont pas les mêmes que sur le serveur de messagerie de votre entreprise, etc. Les filtres antispams protégeant ces différents acteurs de l’emailing sont également différents d’un acteur à l’autre. Toutes ces diversités complexifient encore les choses où la philosophie de filtrage sera radicalement différente en fonction du destinataire à contacter.
Donc un même mail peut être jugé comme légitime par un filtre antispam et en spam par un autre. De même, la politique de filtrage d’Orange mettra en place des restrictions en fonction des niveaux de plaintes sur vos envois alors que Gmail aura une logique basée sur le comportement des abonnés.
On parle parfois de « spamtraps », qu’est-ce que c’est exactement et comment les éviter ?
Les spamtraps sont des adresses volontairement créées pour piéger les spammeurs. Elles ne sont connues que par leur créateur (FAI/Webmail ou des organismes tiers : Spamcop, Spamhauss, etc). On va retrouver 2 catégories de spamtraps :
- Les honeypots : ce sont des adresses dissimulées sur le web, généralement cachées dans le code HTML des pages web. Le but est de piéger les robots, aspirateur d’adresses qui parcourent le web et aspirent toutes les adresses qu’ils rencontrent. Les spammeurs utilisent les adresses récoltées par le robot et se font détecter lorsqu’ils contactent ce type d’adresse.
- Les adresses recyclées : ce sont des adresses issues de gros FAIs/Webmails ayant appartenues à de réelles personnes et qui ont été abandonnées. Durant un moment, le FAI retourne des bounces indiquant que l’adresse n’est plus active afin que l’expéditeur l’assainisse. Passé cette période, l’adresse est reconvertie en spamtrap afin d’identifier les acteurs ne traitant pas les retours du FAI ou ne souhaitant pas procéder à l’assainissement du contact.
Pour les éviter, il faut d’abord maitriser sa source de collecte, les opérations d’achat de fichiers ou de location de bases vous exposent le plus à la présence de honeypot. Pour la seconde catégorie, votre routeur doit appliquer une politique d’assainissement en fonction des bounces qu’il récupère.
Le nombre de désabonnés suite à une campagne influe-t-il sur la délivrabilité des futurs envois ?
Non, pas directement. Par contre c’est un indicateur de la perception de vos abonnés vis-à-vis de votre campagne emailing. Un nombre de désabonnés élevé reflète la qualité de vos pratiques et doit être un signal fort amorçant un changement dans votre stratégie emailing.
Merci pour cette interview Fayçal ! Un dernier conseil pour nos lecteurs ?
Oui bien sûr ! Je souhaite attirer l’attention des lecteurs sur le constat suivant : la notion de délivrabilité est une conséquence de l’évolution des politiques de filtrage qui est elle-même une réponse à certaines dérives d’acteurs de l’écosystème de l’emailing. Je pense qu’il est nécessaire aujourd’hui de placer ses abonnés au cœur de sa stratégie emailing, en se positionnant à la place de celui qui reçoit et non pas de celui qui expédie.